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Caliban et la sorcière
Silvia Federici
Article mis en ligne le 10 septembre 2014
dernière modification le 30 janvier 2019

L’auteur nous invite à réfléchir aux rapports d’exploitation et de domination, à la lumière des bouleversements introduits à l’issue du Moyen Âge. Un monde nouveau naissait, privatisant les biens autrefois collectifs, transformant les rapports de travail et les relations de genre. Ce nouveau monde, où des millions d’esclaves ont posé les fondations du capitalisme moderne, est aussi le résultat d’un asservissement systématique des femmes.

Par la chasse aux sorcières et l’esclavage, la transition vers le capitalisme faisait de la modernité une affaire de discipline. Discipline des corps féminins dévolus à la reproduction, consumés sur les bûchers comme autant de signaux terrifiants, torturés pour laisser voir leur mécanique intime, anéantis socialement. Discipline des corps d’esclaves, servis à la machine sociale dans un formidable mouvement d’accaparement des ressources du Nouveau Monde pour la fortune de l’ancien.

Silvia Federici (née en 1942 à Parme en Italie) est une universitaire américaine, enseignante et militante féministe radicale. Elle est professeure émérite et chercheuse à l’Université Hofstra à New York.


Pour aller plus loin - article dans le Monde libertaire n°1749 :

Une tempête féministe

Silvia Federici est une universitaire américaine, enseignante et militante féministe radicale. Membre du Midnight Notes Collective, elle est professeur émérite à la Hofstra University de New York. Son œuvre aborde la philosophie et la théorie féministe, l’histoire des femmes. Suite à un long séjour au Nigeria dans les années 1980, elle se penche sur l’impact des politiques du FMI et de la Banque mondiale en Afrique. Paru aux États-Unis en 2004, Caliban and the Witch. Women, the Body and Primitive Accumulation est devenue un classique des études marxistes-féministes. Il en existe désormais une traduction française publiée aux éditions Autremonde. Un entretien avec Silvia Federici à propos de son ouvrage a été réalisé en juin 2012 par Manel Ros pour le journal En lucha. On peut le retrouver sur le site La Voie du jaguar.

Le titre Caliban et la sorcière est un clin d’œil à la pièce de Shakespeare La Tempête, à laquelle l’auteur fait régulièrement référence. Caliban, personnage monstrueux, esclave du mage Prospero, est le fils de la sorcière Sycorax. Son nom est une anagramme du mot « canibal ». Dans le cadre de la critique de la colonisation, Caliban a été désigné comme symbole de l’indigène opprimé. C’est le cas en particulier dans la pièce Une Tempête d’Aimé Césaire. Pourtant, Caliban est ici vu bien plus qu’un rebelle anticolonial. C’est un symbole du corps prolétaire comme lieu et instrument de résistance à la logique capitaliste. Caliban est donc le symbole des exploités et des opprimés, quand la sorcière est celui des femmes diabolisées, également opprimées et sacrifiées. Le personnage de la sorcière Sycorax, relégué à l’arrière-plan dans La Tempête, est ici au premier plan. La sorcière incarne les figures féminines en résistance que le capitalisme s’ingénie à détruire.

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