Ciudad Juarez, à la frontière du Mexique et des États-Unis, a la réputation d’être la capitale mondiale du crime. Plus de 200 000 ouvrières travaillent dans cette zone. Entre 1993 et 2003, on s’en souvient, près de 1 500 jeunes femmes y furent assassinées avec une hallucinante sauvagerie. Personne n’y comprenait rien.
On fit alors appel à une anthropologue, Rita Laura Segato, pour saisir le sens de cette vague de violence dirigée contre des femmes. La haine n’était pas le mobile, puisque, à l’évidence, les meurtriers ne connaissaient pas leurs victimes. Alors, pourquoi les tuait-on ? Et pourquoi ces crimes demeuraient-ils impunis ?
La théorie développée par Segato est aujourd’hui discutée dans le monde entier et son essai est devenu l’une des principales références des études sur les féminicides et les violences de genre.
Professeure d’anthropologie et de bioéthique au sein de la chaire Unesco de l’Université de Brasilia, Rita Laura Segato est une féministe décoloniale. Son engagement contre toute forme de violence raciale ou genrée est sans faille. Après l’affaire Weinstein, ses écrits ont inspiré les flashmobs qui se sont propagés sur les réseaux sociaux avec le chant « El violador eres tu » (« Le violeur c’est toi »).