« Je montrerai tout. Mon coeur, mes émotions. Vert - rouge - jaune - bleu - violet. Haine -amour - rire - peur - tendresse. »
Niki hait l’arête, la ligne droite, la symétrie. À l’inverse, l’ondulation, la courbe, le rond ont le pouvoir de déliter la moindre de ses tensions. Délayer les amertumes, délier les pliures : un langage architectural qui parlerait la langue des berceuses.
Aussi vit-elle sa visite au parc Güell comme une véritable épiphanie. Tout ici la transporte, des vagues pierrées à leur miroitement singulier. Trencadis est le mot qu’elle retient : une mosaïque d’éclats de céramique et de verre. De la vieille vaisselle cassée recyclée pour faire simple.
Si je comprends bien, se dit-elle, le trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l’unique pour épanouir le composite. Broyer le figé pour enfanter le mouvement. Briser le quotidien pour inventer le féérique.
Elle rit : ce devrait être presque un art de vie, non ?
Originaire de Valenciennes, Caroline Deyns vit et travaille à Besançon. D’un style inventif, fait de phrases courtes, percutantes d’où rugit la poésie d’une langue révoltée, son travail d’écriture est surtout reconnu depuis la publication et le succès (15000 exemplaires) de Trencadis (Quidam, 2020), un roman sur Niki de Saint Phalle, puissant, féministe et iconoclaste, qui reparaît ici dans la collection poche Les Nomades. Elle est par ailleurs l’auteure aux éditions Philippe Rey de Tour de plume (2011) et de Perdu, le jour où nous n’avons pas dansé (2015).