En 1918, après avoir illustré une presse hostile aux marchands de canons, Frans Masereel (1889-1972) publie 25 Images de la passion d’un homme. Si l’on y trouve déjà les thèmes de prédilection de l’artiste belge – la ville dévoreuse d’hommes ou la lutte des classes –, son originalité réside dans sa forme : un récit uniquement constitué de gravures. Le roman sans paroles vient de naître.
De la Grande guerre à la guerre froide, Masereel en réalise une quinzaine, stigmatisant le capital et ses croupiers, la roue de l’infortune qui touche le prolétariat et cet instinct de mort qui a conduit l’Europe vers le chaos.
Leur diffusion est principalement assurée par l’éditeur Kurt Wolff, dans des éditions populaires préfacées par des écrivains de la Mitteleuropa (Max Brod, Hermann Hesse, Thomas Mann).
D’autres artistes graveurs de l’entre-deux-guerres se sont emparés de ce mode de narration séquentielle à forte connotation politique et sociale : les Allemands Carl Meffert et Otto Nückel, l’Espagnol Helios Gómez, la Tchèque Helena Bochoráková-Dittrichová, les Américains Lynd Ward et Giacomo Patri…
Les romans en gravures de Masereel sont sans paroles mais pas sans histoire. Cet ouvrage vous en livrera les différents chapitres, avec pour théâtre le renouveau de la gravure sur bois, la renaissance du livre xylographique et l’influence des événements sur le destin d’un artiste engagé dans les luttes de son temps.
Spécialiste de Frans Masereel, auquel il a consacré sa thèse de doctorat, Samuel Dégardin a participé à la réédition de six de ses romans en images sans paroles et est co-auteur d’un livre sur ses séjours en URSS (Voyages au pays des Soviets, Snoeck, 2022) et d’un autre sur le graveur mexicain Posada (Confession d’un squelette, Martin de Halleux, 2019).