En 1801, une jeune Bretonne de trente ans s’adresse aux femmes de son temps « réduites à n’être que d’élégantes poupées dans leur jeunesse et de grands enfants toute leur vie ». Avec intelligence, verve et non sans humour, elle les prend à témoin des interdits, servitudes et violences qu’il leur faut encore affronter, passé le grand souffle de la Révolution.
Isolé et exemplaire, son geste est avant tout politique. Dénonçant l’exclusion des femmes de la société civile, Fanny Raoul revendique leur droit à participer pleinement à la vie politique, à être cheffe de famille et réclame l’accès à l’éducation et à tous les métiers, le mariage sous le régime de la séparation de biens.
Ce pamphlet féministe avant-gardiste mérite de prendre sa place dans le matrimoine littéraire et d’accompagner par son audace les luttes féministes d’aujourd’hui.
Introduit par Geneviève Fraisse, philosophe de la pensée féministe et postfacé par Gaëlle Pairel, spécialiste du matrimoine littéraire en Bretagne, ce texte est prolongé par un dossier constitué par Geneviève Fraisse sur un cas de plagiat auquel fut confrontée Fanny Raoul.
Fanny Raoul (1771-1833) fut une « femme sensible et raisonnable » et « née pour l’indépendance » d’après ses propres termes. Elle publia son premier ouvrage en 1801, Opinion d’une femme sur les femmes, dans lequel elle combattait les préjugés qui opprimaient son sexe. On lui doit également des romans, des essais, et un journal politique. Fanny Raoul a écrit que son projet de journal remontait à l’Empire mais qu’elle y avait alors renoncé : « À quoi bon essayer, je serai arrêtée dès les premiers pas, car j’y porterai, comme partout, ma franchise et mon indépendance de caractère. »