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Revue Z n°17 - Saint-Étienne - Soigner la santé
Collectif
Article mis en ligne le 23 mai 2025
dernière modification le 24 septembre 2025

par Libraire

Cinq ans après le pic de la pandémie de Covid-19 et les hommages aux soignant·es, la casse du système public de santé continue. Les gouvernements successifs rognent toujours plus sur son budget, alors que ceux des armées ou de l’intelligence artificielle explosent. Hôpitaux, urgences et maternités publiques continuent de fermer, au plus grand plaisir des investisseurs et entreprises privées, pour qui nos maladies sont autant de sources de profit. Celles et ceux qui font tenir l’hôpital sont épuisé·es. Les Plannings familiaux sont attaqués par l’extrême droite, et l’aide médicale de l’État par les politiques xénophobes. Et si la santé mentale a été décrétée « grande cause nationale en 2025 », l’idée derrière cet effet d’annonce est surtout de faire porter la responsabilité de leur guérison aux malades et à leurs proches. Le saccage se joue à deux niveaux : détruire un système de santé hérité des luttes sociales, tout en restreignant toujours plus l’accès aux soins des personnes déjà opprimées et précarisées.

Il n’en fallait pas plus pour que la thématique du soin et de la santé s’impose. Au moment de choisir notre lieu d’enquête, deux d’entre nous sont enceintes et habitent à Saint-Étienne. S’y retrouver nous semble la meilleure façon de continuer l’aventure ensemble. Quelques mois plus tard, depuis la maison qu’on nous prête en haut de la rue de la Sablière, entre deux réunions à l’Amicale de Tardy et un repas à la cantine de Terrain des Saveurs, on se familiarise peu à peu avec la ville. Saint-Étienne, ou Sainté pour les intimes, ville du parler gaga – dont on a glissé quelques expressions dans les titres de ce Z –, du stade du Chaudron et de ses ultras, des nombreuses amicales laïques, cantines solidaires et réseaux d’entraide, ses sept collines et ses crassiers, d’où s’échappent encore les chaudes fumées de son passé minier. Ancienne ville de l’armement, des cycles et des rubans, Saint-Étienne compte 50 000 habitant·es de moins qu’il y a cinquante ans. Aujourd’hui, la métropole lyonnaise voisine voudrait en faire son dortoir.

Manque de médecins, racisme médical, tarification à l’acte, violences gynécologiques, privatisation des lieux de soins : se soigner est une lutte des classes de tous les jours. À Saint-Étienne, on a rencontré des personnes qui se battent pour que les soins soient accessibles à toutes et tous, dans ou en dehors des institutions : association d’entraide entre chibani·as, infirmièr·es et agent·es d’entretien des hôpitaux, militant·es du soin communautaire transféministe ou membres de groupes d’entraide mutuelle, etc. Dans leurs pratiques, iels redoublent d’inventivité pour construire des manières de prendre soin qui déjouent les oppressions. La santé pour toustes passe par des changements radicaux dans nos façons de produire et de vivre.

Ce numéro est aussi traversé par nos propres vécus. Pendant sa création, on s’est confié des expériences intimes, parfois douloureuses. D’errances psy en parcours d’infirmière, de maladies chroniques en techniques de massage du périnée, on a essayé de se soutenir dans l’écriture de ces expériences qui nous situent et nous transforment.

Alors que la période actuelle est marquée par la réaffirmation de la suprématie blanche et la montée du fascisme, par des attaques toujours plus intenses contre les minorités et les pauvres, il est de plus en plus important de se battre pour des vies dignes et joyeuses. Ce numéro s’inscrit dans le sillon de celleux qui prennent soin, au quotidien, d’elleux-mêmes, de proches, d’ami·es, de voisin·es, d’inconnu·es, humain·es, animal·es, végétal·es, quel·les qu’iels soient. Prendre soin, c’est lutter ensemble.