Le bilan de cinq ans et demi (1994-1999) de l’école libertaire Bonaventure. Des analyses et des témoignages bouleversants sur les grands bonheurs et les petits malheurs de cette expérience unique d’éducation libertaire, laïque, gratuite et révolutionnaire.
[*cinq années de fonctionnement de l’école libertaire Bonaventure*]
Cinq ans et demi déjà ! Le 7 septembre 1993, par une belle matinée d’automne nappée de cette lumière si particulière à Oléron, nous avions tous le cœur serré. Les enfants (Simon, trois ans, Maëlis, quatre, Bénédicte, cinq, Louis, cinq, Bertille six, Roman, six, Antoine, neuf) piaffaient dans la petite cour située devant l’école avec leurs cartables flambants neufs. Les éducateurs, Thyde, Françoise et Alayn étaient en grande conversation pour régler les derniers détails de l’organisation de cette première journée. Quelques parents arpentaient le pavé en essayant de dissimuler du mieux qu’ils pouvaient leur émotion….Enfin ! Enfin, nous y étions à ce premier instant tant attendu !Bonheur, impression de rêver, peur que le ciel nous tombe soudainement sur la tête… nous étions là, ballants, ballots, ne sachant que faire, que dire, maladroits, hésitants à partir comme à rester…Le rêve était désormais là, sous nos yeux, en chair et en os, et il allait falloir s’y habituer.Pour l’heure, nous ne nous lassions pas de le humer, de le déguster, de l’embrasser du regard… des fois qu’il ne vienne à s’estomper. Mais non ! Les minutes s’égrenaient et les lumières de la scène ne s’éteignaient pas !Le temps que la porte de l’école s’ouvre, que les enfants et les éducateurs s’y engouffrent… et roulez jeunesse, c’était parti ! Bonaventure venait de larguer les amarres !Janvier 1999, Bonaventure est toujours là.Onze enfants, une instit (Laurence), un éducateur (Ludo, alias nounou), une demi douzaine de familles, les onze militants du groupe Bakounine, les 250 adhérents de l’association Bonaventure, 76 camarades d’ici et d’ailleurs (surtout) qui nous offrent chaque mois les trois sous de notre survie, des locaux flambants neufs construits pendant l’été 1994 par une soixantaine de chevaliers du rêve éducatif libertaire, un CDI d’enfer, un site internet, des ordinateurs en veux-tu en voilà, le chien qui ne sait toujours ni lire ni écrire, un petit journal (le Grain de Cel) qui sort trois à quatre numéros par an, des centaines de conférences et autres réunions publiques, trois livres, deux brochures, deux reportages télé, des milliers de coups de téléphones, des centaines de visites, un partenariat étonnant avec des écoles des rues Sénégalaises, des textes, des débats, des synergies avec le mouvement Freinet, le lycée autogéré de Paris, le Trait d’union, l’école Vitruve… il y a cinq ans et demi j’aurais signé à moins !J’aurais signé à moins, car oser le pari, en 1993, dans une petite île de Charente Maritime pas spécialement réputée pour ses traditions de luttes sociales, d’une école libertaire laïque, gratuite, autogérée, fonctionnant à l’égalité des revenus et à la propriété collective et se proposant, ni plus ni moins, de faire la nique à l’école de l’Etat, des patrons et des curés sur la base de l’éducation à et par la liberté, l’égalité, l’entraide, l’autogestion, la citoyenneté… relevait largement de la déraison et ne laissait guère d’espoir de voir l’expérience se prolonger plus de quelques mois. Comme quoi !Cette brochure nous raconte tout cela.Cinq années de la vie au quotidien d’une école libertaire, l’évolution de son fonctionnement, la mise en place d’un réseau Bonaventurier, les relations tissées ici et là, les outils pédagogiques et éducatifs forgés au fil de l’expérience, les problèmes structurels et conjoncturels, l’intérêt d’une telle expérience pour le futur service social d’enseignement et d’éducation libertaire que nous avons tous dans le cœur, les bonheurs de l’aventure, les malheurs de quelques mésaventures…Elle nous conte les bons et les mauvais côtés de ces cinq années et demi. Avec passion. Mais sans outrance.Et elle nous montre surtout que ce n’est pas tant parce que les choses sont impossibles que nous n’osons pas, que parce que nous n’osons pas qu’elles le sont.Comprenne qui voudra ! Jean Marc Raynaud