Édité pour la première en français en 1968, épuisé depuis la fin des années 1970, ce classique oublié rappelle la relégation toujours d’actualité des enfants pauvres. Mais ici la critique de l’école reproductrice d’un ordre social injuste est formulée par ceux qui le subissent.
« Chère Madame,
Vous ne vous rappellerez même pas mon nom. Il est vrai que vous en avez tellement recalés. Moi, par contre, j’ai souvent repensé à vous, à vos collègues, à cette institution que vous appelez l’“école”, à tous les jeunes que vous “rejetez”. Vous nous rejetez dans les champs et à l’usine, et puis vous nous oubliez.
Il y a deux ans, en première année à la Normale, vous m’intimidiez. J’ai d’abord pensé que c’était une maladie que j’avais, ou que peut-être ça tenait de ma famille. Plus tard j’ai cru que la timidité était un mal des pauvres, que les ouvriers laissent aux fils à papa tous les postes de commande dans les partis et tous les sièges au parlement. La timidité des pauvres est un mystère qui remonte à loin… »
Extrait de la préface de Laurence De Cock :
Les élèves de Barbiana rappellent l’école publique à l’ordre parce qu’elle n’accomplit pas sa mission, réclamant une institution qui se préoccupe davantage de ceux dont les parents n’ont ni l’argent ni la culture qui leur permettent de compenser l’absence d’éducation scolaire. La France reste l’un des pays européens au système éducatif le plus inégalitaire, c’est-à-dire celui dans lequel le poids des origines sociales pèse le plus lourd. Dit autrement, l’école française est aussi performante pour faire réussir les élèves les plus socialement favorisés qu’orienter les enfants des milieux populaires dans des voies de relégation. C’est précisément ce sur point que cette réédition est salutaire : en redonnant à voir l’urgence de transformer l’école publique au prisme des besoins des enfants des catégories populaires.