En 1908, je faisais éditer par le groupe des Causeries Populaires, alors sous l’influence du compagnon Libertad, une étude intitulée Qu’est-ce qu’un anarchiste ?
J’essayais d’y situer « l’anarchiste » par rapport à l’ambiance et à son propre milieu. Depuis lors, les événements ont marché. En présence des malentendus et des confusions, l’idée me vint, au cours de la guerre qui a ravagé l’Europe, de situer non plus « l’anarchiste » — terme alors bien vague et prêtant à l’équivoque — mais l’anarchiste individualiste, par rapport au milieu social en général et à la thèse individualiste en particulier.
La détention que je subis alors ne me permit pas de mener à bien mon projet. Il fut cependant réalisé en partie par la publication, en Espagne, d’un remaniement de mon premier travail sous le titre de El Anarquismo individualista, lo que es, puede y vale.
La crise achevée, les mêmes équivoques subsistent. Nombre des meilleurs d’entre les nôtres n’ont pas le temps de se reporter aux polémiques auxquelles a donné lieu « l’individualisme anarchiste » ; il manque des éléments, des références nécessaires pour dégager cet aspect de l’individualisme des gangues, des scories, des compromissions sous lesquelles on a voulu le tenir, le masquer, sinon l’escamoter.
Cette œuvre-ci a, en premier lieu, pour but de fournir de l’individualisme anarchiste — de son essence, de ses revendications — une idée, une représentation, une perspective aussi claires que me le permet ma propre connaissance du sujet.