Ce classique de l’histoire ouvrière est aussi l’œuvre fondatrice de l’histoire de l’immigration en France. « Au début des années cinquante, il y a décidément quelque chose de changé à Longwy. L’unité du mouvement s’illustre par la mobilisation de toutes les catégories ouvrières. Pour la première fois les divisions ethniques n’ont pas joué. Français et Italiens ont lutté côte à côte. Par ces grèves, la deuxième génération italienne signe son entrée dans la "vie active".
Ils n’ont pas oublié l’exploitation particulièrement féroce qu’ont subie leurs parents. Dès lors, il faut voir dans les luttes de l’après-guerre comme une manière pour ces enfants devenus grands de réaliser ce qu’on avait toujours interdit à leurs parents : exprimer enfin publiquement et collectivement leur haine pour un système qui les avait toujours complètement niés en tant qu’individus, en tant que citoyens, en tant que producteurs ».
Le bassin de Longwy, en Lorraine, est doublement singulier : c’est là qu’on trouvait la plus forte concentration d’usines sidérurgiques au monde, et c’est là aussi qu’à partir du début du XXe siècle se trouvait la plus forte concentration de population étrangère en France. En 1984, en retraçant un siècle d’histoire industrielle et ouvrière à Longwy, de la première coulée jusqu’à la fermeture des aciéries, Gérard Noiriel a ouvert la voie à l’histoire de l’immigration.
Le fil conducteur de ce livre pionnier est la question de la formation d’une identité collective ouvrière. Au tournant du XXe siècle, l’immigration massive - surtout italienne - et la rationalisation forcée du travail dans les usines débouchent sur un clivage entre les travailleurs du cru et les étrangers. Puis, tandis que le paternalisme qui jouait sur ces divisions décline, l’expérience des luttes du Front populaire et de la Résistance donne naissance, après 1944, à un groupe ouvrier puissant et soudé autour de l’engagement communiste.
Gérard Noiriel montre qu’à Longwy, c’est à travers l’identification à la classe ouvrière que s’est faite l’inclusion dans la nation. Cette réédition éclaire de manière décisive la question des rapports entre classes sociales et immigration.