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Bello Ciao | G8, Gênes 2001
Francesco Barilli – Manuel de Carli
Article mis en ligne le 3 juin 2020

Le 20 juillet 2001 à 17h27, pendant les journées du sommet du G 8 de Gênes, un manifestant est tué sur la place Alimonda.

Les premiers témoignages sont confus : certains parlent d’un coup de revolver, d’autres d’une pierre, d’autres encore de bombes lacrymogènes. Peu de temps après, une photographie de l’agence Reuters ne laisse plus de place au doute. Elle révèle un jeune homme (on découvrira plus tard dans la soirée qu’il s’agit de Carlo Giuliani, un garçon de 23 ans) avec une cagoule et un extincteur qu’il soulève au dessus de sa tête tandis qu’une arme le vise depuis l’arrière d’une camionnette.

« Pour beaucoup la reconstitution de ce qui s’est passé place Alimonda s’arrête ici. En atteste la première agence qui, le 5 mai 2003, donne des nouvelles des archives du procès pour homicide à charge de Mario Placanica, le policier qui affirme avoir tiré : “Giuliani, comme cela s’est vu sur les images tournées par un video amateur qui ont fait le tour du monde, tentait d’assaillir une Jeep des carabiniers armé d’un extincteur. Placanica tire avec un pistolet d’ordonnance et le jeune homme tombe mort”.

La reconstitution hâtive reproduit la première version des faits, mais elle n’est valide que pour qui s’arrête à la photo de chez Reuters, retenue comme le point final d’une enquête tellement banale qu’elle semble déjà écrite : un manifestant est resté au sol, tué par un militaire lors d’une attaque des insurgés contre une camionnette de carabiniers. Un verdict de légitime défense prononcé non par un tribunal mais par des représentants politiques et les forces de l’ordre, aussitôt adopté par les principaux organes d’information. Mais quiconque au contraire est désireux d’approfondir les événements advenus Place Alimonda sait que cette photo n’a été qu’un point de départ : les événements de Gênes se sont enrichis de nombreux détails, que ce soit de la part des médias (davantage des alternatifs que des plus reconnus) ou des cours de justice, constituant ce qui fut selon Amnesty International “ le plus grave manquement aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la seconde guerre mondiale ”.

Nous avons désiré isoler dans cette œuvre, le souvenir de Carlo en tant que personne. Nous avons voulu retracer non seulement sa dernière journée, mais aussi sa personnalité.

Les interventions des proches de Carlo ont été précieuses (ses parents Haidi et Giuliano ainsi que sa sœur Elena) de même que les souvenirs de ses amis, ses poésies et ses notes, qui témoignent d’une personnalité riche et complexe, mais par dessus tout une sensibilité hors du commun, bien différente de l’image du “ vandale ” que les médias ont trop hâtivement donnée de la victime. Les entrevues sont présentées en mêlant le plan de l’évocation à celui des faits. Ni les intervieweurs ni leurs questions ne sont mis en avant, et les vignettes accompagnent le récit des proches de façon suggestive, en faisant interagir les narrateurs grâce aux éléments “ symboliques/évocateurs ” de l’histoire. C’est aussi une façon de démanteler l’image d’un jeune homme “ fils de personne ” que de nombreux médias ont bien voulu attribuer à Carlo.

Que ce soit clair, cela ne rendra pas l’homicide moins tragique, mais nous avons voulu montrer comment Carlo faisait partie intégrante d’une famille qui l’aimait, jusqu’à introduire symboliquement, précisément dans ce livre, le choix ultime de s’approprier l’extincteur, la cagoule et le rouleau de scotch avec lesquels Haidi, Elena et Giuliano interviennent dans le cours du récit. »