Le domaine de la philosophie se ramène aujourd’hui aux questions suivantes : où en sommes-nous ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment s’en sortir ? La dernière est d’évidence la plus importante et la plus urgente : mais l’impatience est périlleuse, et condamne à bien des égarements et à bien des catastrophes aussi. La philosophie doit donc avant tout assumer le fardeau de la lucidité, et se confronter à la catastrophe globale, pour la penser comme essence même de notre époque.
Cette catastrophe n’a pas épargné la philosophie elle-même, qui dans ce même moment, a découvert l’obsolescence de toute sa tradition en laquelle elle a reconnu une mystification spéculative : d’où la tâche d’une réinstitution radicale de la philosophie, qui l’arrache à sa structure théologique pour la réélaborer dans une structure archéologique.
Il redevient alors possible de concevoir la philosophie de l’Histoire nécessaire pour comprendre la catastrophe en laquelle elle s’achève, non plus en postulant à son commencement un Universel en puissance dont l’Histoire serait la réalisation de droit, mais en constatant à son achèvement un Universel en acte dont l’Histoire est la genèse de fait : l’Un numérique parvenu à l’hégémonie mondiale et devenu puissance démiurgique, c’est-à-dire Capital.
Notre époque est ainsi la révélation apocalyptique de l’essence nihiliste de l’Histoire, processus d’universalisation par consumation de toute particularité, c’est-à-dire processus d’annihilation.