Plus les chômeurs et chômeuses sont nombreux·ses, plus ils et elles sont suspecté·es d’être la cause du chômage. Tel pourrait être le paradoxe des politiques de l’emploi, en France comme ailleurs. Que celles-ci prennent les traits américains du workfare ou ceux plus européens de l’activation, l’objectif est le même : pousser les chômeurs·ses à travailler et, pour cela, conditionner les allocations à un contrôle de plus en plus strict de leur recherche d’emploi.
En replaçant les évolutions du contrôle dans l’histoire longue du chômage, ce livre montre comment son intensification dans la période récente a été pensée, mise en œuvre et justifiée au nom de la « redynamisation » des chômeurs·ses, au point d’être désormais présenté comme une nouvelle forme d’accompagnement.
Cette euphémisation tranche avec la virulence des discours politiques sur le sujet, tout autant qu’elle masque les effets délétères de ce traitement coercitif. Car si le contrôle vise à adapter les comportements des chômeur·es à des exigences institutionnelles, il s’agit aussi de satisfaire celles des entreprises.
Mettre la pression sur les chômeurs·ses, c’est ainsi perpétuer l’ascendant des employeur·ses dans le rapport de force qui les oppose aux salarié·es en matière de revenu et de conditions de travail. Aujourd’hui comme hier, la cause des chômeurs·ses est bien celle des travailleurs·ses.
Claire Vivès est ingénieure de recherche au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), LISE et CEET.
Luc Sigalo Santos est maître de conférences en science politique à Aix-Marseille, LEST.
Jean-Marie Pillon est maître de conférences en sociologie à Paris-Dauphine, IRISSO.
Vincent Dubois est professeur de sociologie et de science politique à Sciences Po Strasbourg, SAGE.
Hadrien Clouet est docteur en sociologie.