La nouvelle vague d’accaparements de terres et d’expulsions massives des paysans à l’échelle planétaire fait resurgir sous des formes renouvelées d’anciens questionnements. Depuis l’émergence du capitalisme, l’histoire des campagnes n’aurait-elle été qu’un processus plus ou moins accéléré de dépossession des paysans ? N’y a-t-il pas une "lame de fond" aboutissant à la prolétarisation inexorable des ruraux et la fin de la petite et moyenne propriété paysanne ? Le landgrabbing — la saisie des terres —actuel ne serait-il pas tout simplement la poursuite des enclosures entamées depuis la fin du Moyen Age, cette fois-ci sur le plan mondial ? Les auteurs réexaminent ces questions et aboutissent à des conclusions nuancées.
Les mondes ruraux qu’ils ont approchés confirment l’offensive entreprise contre les terres, les hommes et les femmes et les ressources naturelles. Mais ils observent aussi la réaction et la riposte des campagnes, parfois d’une façon ouverte et visible, souvent de manière souterraine mais non moins efficace. Ils font état des victoires obtenues dans une dialectique où l’usurpation de la terre et des ressources peut être rapidement suivie par la réappropriation ou par la reprise de contrôle.
Le processus apparaît ainsi complexe et moins définitif, avec une variété de moyens mis en œuvre d’où ressort l’image d’un combat inachevé qui se renouvelle en permanence. D’Amérique en Asie, d’Afrique en Europe, les auteurs nous invitent à parcourir le temps long de l’évolution de la question foncière alors que l’agriculture devra bientôt nourrir 10 milliards d’habitants et que la petite et la moyenne paysannerie continuent à fournir l’essentiel des aliments mondiaux.