« Il est certain que les concepts de l’entendement n’existent nulle part ailleurs que dans la conscience humaine, mais ce n’est pas de là qu’ils surgissent. Ils n’en proviennent pas. C’est l’être social des hommes qui détermine leur conscience. L’objet de la thèse défendue ici est de confirmer cette phrase de Marx, spécialement en ce qui concerne les formes de la connaissance conceptuelle de la nature. La monnaie y joue le rôle délicat de chaînon médiateur entre l’être et la conscience. » (Alfred Sohn-Rethel)
Les sciences de la nature modernes sont une production sociale et leurs outils conceptuels ne procèdent pas de facultés intellectuelles au statut métaphysique : voilà ce qu’il fallait selon le philosophe Alfred Sohn-Rethel, compagnon de route de Theodor W. Adorno et de Walter Benjamin, mettre en évidence si l’on voulait que la société puisse en maîtriser le développement au lieu d’être maîtrisée et écrasée par elles.
C’est ainsi qu’il développe une théorie matérialiste de la connaissance qui trouve l’origine de ses concepts non pas dans l’abstraction « pure » de l’entendement des philosophes, mais dans l’abstraction « réelle » propre à l’acte de l’échange et qui s’impose avec l’économie marchande.
La thèse de Sohn-Rethel trouve un point d’ancrage dans la coïncidence entre la naissance de la philosophie et des sciences grecques et l’apparition de la monnaie frappée. Le piège serait en effet de prendre pour argent comptant l’intellect pur et universel qui nous donnerait accès aux lois de la nature ; la monnaie, cette « forme-valeur devenue visible », élément clé de la synthèse sociale, nous engage à reconsidérer la genèse de notre modernité dans une perspective pratique : ni le capitalisme, ni les technosciences qui leur correspondent, ne doivent être le destin inéluctable de l’humanité.
Travail d’importance en des temps où la logique de l’abstraction détruit jusqu’à la possibilité de la vie terrestre.