La Révolution française compta-t-elle des anarchistes dans ses rangs ? La question semble anachronique. Si le terme existe bien à l’époque, il est avant tout péjoratif et son usage vise à discréditer les révoltes populaires, les partisans de la Terreur voire les contre-révolutionnaires.
Toutefois, au fil des évènements, de façon marginale ou implicite, émergent des revendications qui préfigurent certains aspects de l’anarchisme du XIXe siècle. Ainsi, le rejet de la monarchie, exprimé sous la forme d’une lutte contre la tyrannie, évolue vers une critique générale du pouvoir et des institutions. De même, l’esprit de « table rase » aboutit à une contestation généralisée des lois et des traditions allant jusqu’à la possibilité d’une « révolution permanente ». C’est alors le retour à l’ordre étatique et à toute forme d’obéissance à l’autorité qui est refusé. Sans oublier la conviction que la liberté de changer de régime est un bien précieux qui doit être valorisé et préservé au lieu d’être neutralisé.
À travers l’étude d’auteurs qui ne sont pas habituellement décrits comme anarchistes (tels Condorcet, Sieyès ou Marat), il s’agit donc dans ce livre de défendre l’idée qu’une séquence révolutionnaire, moment de crise et de transition entre des systèmes politiques irréconciliables, génère spontanément des modes de pensée et des comportements anarchistes, même si ceux-ci ne sont pas explicites ou assumés comme tels.