D’Eugène Varlin, exécuté sommairement comme tant d’autres à la fin de la semaine pendant laquelle le gouvernement de Thiers noya la Commune dans le sang, on retient d’abord la figure lumineuse de rigueur et de probité qui fut la sienne pendant les quelques semaines qu’elle dura, notamment lorsqu’il fut en charge de ses finances. Maxime Du Camp, l’un des pourfendeurs les plus méprisants de la Commune, alla jusqu’à déplorer la manière dont il fut tué, à 32 ans.
Mais auparavant, pendant les dernières années du Second empire, Eugène Varlin avait déployé une énergie extraordinaire et fait preuve de talents de rassembleur et d’organisateur rarement égalés pour amener le monde ouvrier, et d’abord celui de Paris, fait d’ouvriers des fabriques et d’artisans, à s’associer et à se fédérer. C’était pour lui une étape indispensable non seulement pour que ceux-ci puissent défendre leurs conditions de travail et d’existence, mais aussi pour qu’ils se préparent à mettre en œuvre eux-mêmes un jour « l’outillage social et l’organisation de la production ».
Lorsqu’enfin, en 1864, le délit de « coalition » est abrogé, Eugène Varlin va initier et faire vivre divers organismes d’assistance mutuelle propres aux ouvriers mais aussi un magasin d’alimentation et une série de restaurants ouvriers coopératifs. En 1864 encore, un petit groupe d’ouvriers crée la section française de l’Association internationale des travailleurs et Eugène Varlin les rejoint. Partisan inlassable de l’organisation des ouvriers en syndicats, ses efforts seront couronnés en 1869 par la formation de la première fédération parisienne des sociétés ouvrières. Il poussera également à la présentation de candidatures ouvrières aux élections, indépendantes des partis bourgeois, même radicaux, profondément convaincu que « l’émancipation sociale des travailleurs est inséparable de leur émancipation politique » et que pour cette dernière aussi ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes.