Traduit par Agnès André
Lors de mon dernier voyage en Californie, je me suis retrouvée coincée dans un bouchon sur l’autoroute. Trois voies de véhicules vomissaient leurs gaz d’échappement, leurs vapeurs faisant éclater mes quelques cellules de matière grise restantes comme du papier bulle, me mettant presque K.O.
De sorte que si la circulation en était venue à retrouver son rythme originel, mon état aurait sans aucun doute provoqué un second embouteillage, me laissant, moi, avachie sur mon volant, des stalactites de salive dégoulinant sur la charmante moquette argentée de ma voiture de location ; et les autres conducteurs, leur sang bouillonnant dopé à l’espresso, se mettant à me haïr et à me tirer dessus. La voiture me précédant dans le bouchon était une BMW, télécopieur et jacuzzi inclus. Son autocollant m’annonçait : "Je préfèrerais être chasseur-cueilleur".
C’est depuis les grands territoires déserts et montagneux que nous observons des villes croître à en perdre la raison. Dans ces chroniques proches du nature writing, Ellen Meloy exprime avec un humour décapant sa vive critique de la société capitaliste, du rapport marchand à la nature ou encore des politiques de croissance et d’épuisement des ressources naturelles.
La journaliste et écrivaine des grands espaces américains donne à entendre la densité des enjeux politiques qui traversent ces territoires : destruction des habitats, lien avec les Native Americans, immensité et solitude inhérentes à ces espaces… Un journal sans concession qui remet à sa place l’humain comme être de passage face à la puissance de ces lieux.