Le caractère inattendu et atypique du mouvement des Gilets jaunes a souvent été souligné. Ce soulèvement échappe à tous les modèles. En effet, il n’est pas dans la continuité historique de ce qu’ont été les luttes ouvrières dans leur perspective émancipatrice, pas plus qu’il n’est en phase avec les revendications particulières d’aujourd’hui : néo-féminisme, identités sexuelles, cause animale, décoloniale, etc.
Sans lien direct avec le travail, sans médiations politiques ou syndicales, sans chefs ni représentants, sans utopie, l’événement Gilets jaunes s’affirme avec une force collective inédite et il la conserve dans la durée. Les solidarités pratiquées sur les ronds-points, dans les blocages de péages et autres, dans les manifestations de rue et les assemblées populaires, expriment une aspiration à une communauté humaine sous la forme encore partielle de la lutte commune et du « Tous Gilets jaunes ».
Cette aspiration passe par l’exigence immédiate de justice fiscale et sociale, de pouvoir d’achat, d’égalité, de contrôle permanent des élus. Elle conduit le mouvement des Gilets jaunes à un affrontement direct avec l’État et son appareil de répression.
Cette opposition générale à un État normalisateur, rançonneur et répressif n’implique pas le rejet de toute forme politique supérieure, mais exprime plutôt l’aspiration à une république plébéienne. Une forme potentielle, aujourd’hui tiraillée entre des références jacobines (la Constituante), des références de type démocratie directe (le RIC) et des références communalistes (l’appel de Commercy et l’assemblée des assemblées).
Sont rassemblés dans ce livre des textes d’intervention et des comptes rendus d’actions rédigés au fil de la lutte. Les auteurs sont des membres de la revue Temps critiques et des participants au collectif « Journal de bord » accueilli sur le blog de la revue. Tous sont protagonistes du mouvement des Gilets jaunes depuis l’acte II.