« Avertissement : ne soyez ni étonnés ni troublés par ma sincérité. En fait, je suis convaincue que la sincérité est toujours avantageuse pour l’homme car si noirs que soient ses actes et ses pensées, ils le sont beaucoup moins que ce qu’en pense son entourage...
Autre avertissement : je n’écris pas cette autobiographie pour vous, messieurs des services de police (si vous étiez les seuls à en avoir besoin, je n’aurais jamais commencé à l’écrire !) - j’ai simplement envie moi-même de fixer ma vie sur le papier. [...] J’écris pour moi. Écrire pour falsifier la réalité, ça n’a aucun intérêt. D’autant plus que je n’ai rien à perdre. Voilà pourquoi je suis sincère. »
« Écrire pour falsifier la réalité, ça n’a aucun intérêt » nous dit Evguénia Iaroslavskaïa-Markon qui écrivit ces mots sur la première page de « Mon autobiographie ». Quelques pages seulement, écrites tandis qu’elle était détenue pour divers vols, peine qui fut aggravée pour son insubordination en prison, jusqu’à l’acte qui lui valut sa condamnation à mort : le jet d’une pierre sur la tempe du chef tchékiste qui commanda le peloton d’exécution de son mari.
La période historique durant laquelle vécut l’auteure, les trois premières décennies du XXème siècle, entre Zamoskvoreč’e, Moscou, Berlin et Paris fut celle des promesses révolutionnaires brisées dans le sang par un régime totalitaire. Après la prise du Kremlin, les bolcheviques devinrent les nouveaux bourreaux du pouvoir, éliminant à grande échelle toute opposition, et censurant la moindre manifestation intellectuelle envers le fascisme rouge.
Le manuscrit d’Evgenia Iaroslavskia-Markon a été retrouvé, après la chute de l’U.R.S.S., exactement en 1996 dans les archives du KGB d’Arkhangelsk.