« Selon un rapport récent, chaque année 50000 à 80000 nouveaux cas de cancer en France seraient d’origine professionnelle. Le cancer est même la première cause de décès par le travail en Europe. Mais qui en parle ? Qui revendique la suppression des produits toxiques au travail ? Les principaux concernés eux-mêmes, salariés ou anciens salariés, ne savent pas le plus souvent que leur cancer peut trouver son origine dans leur travail passé. C’est que la maladie survient le plus souvent des dizaines d’années après avoir été au contact des cancérogènes, jusqu’à cinquante ans dans le cas de l’amiante. En rejoignant le Giscop93 (Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle), un dispositif de recherche-action inédit qui vise à rendre visible la responsabilité du travail dans l’épidémie de cancer, j’ai eu l’occasion d’accompagner près de deux cents salariés et retraités atteints d’un cancer et leurs proches dans leurs démarches de recours au droit de la réparation. »
Coiffeuses, ouvriers du bâtiment, mécaniciens, agents de nettoyage, mais aussi laborantins, travailleurs agricoles, manucures, vétérinaires ou sous-traitants dans les centrales nucléaires, apprentis, etc. : nombre de salariés ignorent qu’ils font peut-être partie des millions de personnes exposées à des agents cancérogènes sur leur lieu de travail.
Anne Marchand mêle approche historique et enquête ethnographique pour interroger tous les aspects de la reconnaissance en maladie professionnelle.
Ce faisant, elle ouvre un champ de réflexion plus large sur le travail et la nécessité de mettre un terme aux activités pathogènes. Un ouvrage qui appelle à surmonter la fatalité des cancers professionnels, et à requestionner la valeur des vies au travail pour en finir avec cette épidémie silencieuse.
Anne Marchand est sociologue et historienne. Codirectrice du groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle en Seine-Saint-Denis (Giscop93), elle est chercheuse associée au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains. Elle est l’autrice d’une thèse codirigée par Nicolas Hatzfeld, qui a reçu le premier prix 2019 du Comité d’histoire de la Sécurité sociale.