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Note sur la suppression générale des partis politiques
Simone Weil
Article mis en ligne le 6 octobre 2023
dernière modification le 4 juillet 2024

par Libraire

« Le parti se trouve en fait, par l’effet de l’absence­ de pensée, dans un état continuel d’impuissance qu’il attribue toujours à l’insuffisance du pouvoir dont il dispose. Serait-il maître absolu du pays, les nécessités internationales imposent des limites étroites. Ainsi la tendance essentielle des partis est totalitaire, non seulement relativement à une nation, mais relativement au globe terrestre. C’est précisément parce que la conception du bien public propre à tel ou tel parti est une fiction, une chose vide, sans réalité, qu’elle impose la recherche de la puissance totale. Toute réalité implique par elle-même une limite. Ce qui n’existe pas du tout n’est jamais limitable. »

Ce réquisitoire balaie d’un revers de main la démocratie telle qu’elle a cours. Et, ose-t-on ajouter, telle qu’elle a encore cours.

Son argumentation repose sur des réflexions philosophiques qui traitent de l’organisation idéale de la collectivité en démocratie, notamment le Contrat social de Rousseau. La raison seule est garante de la justice, et non les passions, nécessairement marquées par l’individualité. Or, les partis, puisqu’ils divisent, sont animés par les passions en même temps qu’ils en fabriquent.

Pour Weil, un parti comporte potentiellement, dans sa lutte pour le pouvoir, un caractère totalitaire. Ils défendent leurs intérêts propres au détriment du bien public. Il faut se garder comme de la lèpre de ce mal qui ronge les milieux politiques mais aussi la pensée tout entière. Contre les passions collectives, elle brandit l’arme de la raison individuelle.

Rédigé en 1943, ce texte propose un système fondé sur l’affinité et la collaboration de tous, un hymne à la liberté individuelle capable de s’exprimer dans le cadre d’une collectivité.


Dès ses années d’études, la philosophe Simone Weil, née en 1909, s’est attachée à l’étude approfondie de l’œuvre de Marx. Libertaire, passionnée autant par le syndicalisme révolutionnaire que par la pensée grecque, elle fraie volontiers avec les anarcho-syndicalistes et les militants de la Révolution prolétarienne. Agrégée, elle est nommée professeur de philosophie au Lycée du Puy en 1931 puis à Auxerre. Or, pour mieux parler de la misère, il faut la connaître. Raison pour laquelle elle devient ouvrière d’usine, condition à ses yeux indispensable à l’action militante. Elle entre pour de nombreux mois chez Renault en 1934, expérience qu’elle consigne dans un journal et des lettres, rassemblés sous le titre La Condition ouvrière. Elle reprend ensuite sa charge d’enseignante à Bourges mais part dès 1936 pour Barcelone, aux côtés des anarchistes. La guerre lui montre alors la frontière ténue qui sépare une dictature et une démocratie. Elle meurt à Londres en 1943