Dire les fins de mois difficiles, le frigo presque vide, l’attente devant la banque alimentaire. Dire les corps usés par le travail, par le froid et les habitats insalubres, par la violence de la rue. Dire la réalité de celles et ceux pour qui le quotidien est une lutte sans cesse renouvelée.
Il fallait la langue aiguisée de Fabienne Swiatly pour esquisser, sans pathos ni voyeurisme, ce que ces vies révèlent de notre société et de ses failles. À travers une succession de fragments en prose, elle donne à entendre la parole de ceux que l’on regroupe sous le terme de « pauvres ».
Étudiants et retraités, ouvriers et chômeurs, réfugiés et mères célibataires, tous pourraient brandir cette phrase en étendard : « On n’est pas des bourgeois ». Un livre qui réinscrit la fraternité à l’ordre du jour.
Extrait :
« Adossé contre le pilier en béton de la gare, un homme, visage avenant, bonnet et pull en laine épaisse, lutte contre l’endormissement. Il pique du nez, redresse la tête d’un coup puis replonge dans le sommeil. Il râle contre le monde entier avec des mots lourds d’alcool et de fatigue. L’affiche collée sur le pilier réclame du Travail pour Tous.
Quand j’ai des sous, je cuisine et j’invite les copains, copines à la maison. On n’est pas des bourgeois à manger au restaurant. »
Née en 1960, en Moselle, d’un père polonais et d’une mère allemande, Fabienne Swiatly se dit fille des des aciéries et de la langue allemande, des bleus de travail et de la soudure, des ouvriers exploités et des manifs. Poète, novelliste et romancière, elle est l’autrice d’une œuvre qui scrute le quotidien, interroge les frontières de langues et de classes, donne la parole aux êtres qui en sont privés. Dans l’atelier où elle forge ses livres, les mots se baladent souvent en bleu de travail. Les Éditions Bruno Doucey publient Elles sont au service en 2020, suivi d’On n’est pas des bourgeois en 2024.